Sept considérations sur la nouvelle salle de consommation de drogue
Gate, la première salle de consommation de Bruxelles, dans la rue de Woeringen, aurait dû ouvrir ses portes le 1er décembre de l’année dernière. Il aura fallu attendre longtemps avant qu’une décision soit prise à Bruxelles. Reste encore à attendre l’ouverture.
Dommage. Elle aurait pu bénéficier aux nombreux consommateurs. L’infrastructure est là, le personnel est prêt. L’ASBL Transit se chargera avec MASS de la gestion de cette salle de consommation à moindre risque. Mais des difficultés juridiques continuent à se poser. Et le financement n’est pas tout à fait au point.
Mieux vaut habiter près du GATE que sur le boulevard Léopold II entre Ribaucourt et Yser.
Pourquoi j’estime que cette salle est nécessaire
Car elle apporte une réponse à un vrai besoin
De nombreux usagers de drogue à Bruxelles sont sans-abri et n’ont nulle part où aller.
Les toxicomanes sont une lourde charge pour l’accueil classique des sans-abri. Et les places sont déjà insuffisantes.
L’assistance aux personnes sans-abri toxicomanes est pour ainsi dire inexistante.
Depuis 20 ans, l’ASBL Transit gère une maison spécialisée dans l’accueil des sans-abri toxicomanes. Mais les places sont limitées et le séjour est de courte durée. La liste d’attente est longue pour recevoir une assistance classique pour les usagers de drogue.
La salle de consommation répond donc à un besoin. Elle offre en outre l’espace et le temps nécessaire pour construire avec le consommateur une relation de confiance nécessaire en vue de s’attaquer par la suite à leur problème d’addiction.
Simplement les lâcher dans la nature ? Surtout pas !
La salle de consommation n’est pas un espace de vie. Elle existe pour limiter les risques. Tant pour les consommateurs que pour le voisinage, qui fait face aux nuisances liées à la consommation.
Le consommateur reçoit un accompagnement humain. En cas de blessure (ce qui est courant), il peut se faire soigner avant que la situation ne s’aggrave. Le consommateur ne retourne pas immédiatement à la rue après avoir consommé.
Parce que je sais à quel point cela peut devenir grave
J’ai arpenté le quartier avec un habitant du boulevard Léopold II. J’ai discuté avec plusieurs commerçants et un balayeur de rue à Ribaucourt.
La rue est sale. Les seringues usagées et le papier aluminium sont les traces laissées par la consommation. Et les petits vols à l’étalage ne sont pas rares. Les personnes dépendantes sont difficiles à gérer. Les personnes droguées sont aussi parfois responsables d’agressions.
L’encadrement fait défaut. Ni la police, ni les travailleurs de rue ne savent comment aider les toxicomanes et les riverains. Intervenir rapidement pour arrêter les consommateurs ne fonctionne pas. Car il y a un manque de places pour les accueillir. Surtout, chasser les usagers ne règle en rien le fond du problème. Il faut changer d’approche.
Les riverains du Gate peuvent se tranquilliser
Pas de file à l’extérieur, l’enregistrement et l’inscription se font rapidement.
Un agent de sécurité est présent et intervient comme médiateur en vue de maintenir l’ordre et de désamorcer les situations. Deux travailleurs de rue sont également présents pour tenter d’apporter une aide aux consommateurs. Le quartier compte aussi plusieurs personnes de contact (des riverains).
Une collaboration étroite est organisée avec l’ASBL Bravo et la police de Bruxelles-Ville. Les agents de police sont ainsi formés à faire face aux personnes dépendantes.
Mieux vaut habiter près du GATE que sur le boulevard Léopold II entre Ribaucourt et Yser.
Pas besoin de réinventer la roue
Les salles de consommation ne sont pas une nouveauté.
La Belgique accuse un retard énorme sur ce plan par rapport à d’autres pays européens. C’est étrange, car sur d’autres questions, comme l’euthanasie ou l’avortement, la Belgique est justement très progressiste.
La Suisse a ouvert ses premières salles de consommation dans les années 1990. Depuis, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Espagne, le Portugal et le Danemark en ont ouvert plusieurs.
Et elles ont déjà fait leurs preuves sur le plan sanitaire. Elles apportent une valeur ajoutée en termes de santé et permettent même des économies en désengorgeant les services d’urgence des hôpitaux. Car « prévenir vaut mieux que guérir » est également vrai en matière de coûts.
La gestion d’une salle de consommation permet donc des économies dans les soins de santé.
Lisez cette évaluation récente des salles de consommation en France (Paris et Strasbourg).
Un point d’ancrage pour les usagers plutôt qu’un aimant
Les salles de consommation offrent un environnement sûr pour les usagers. Elles réduisent la visibilité du phénomène en rue.
Mais vont-elles attirer de nouveaux toxicomanes ? Ou pousser les gens à consommer ?
La réponse est : « bien sûr que non ». Les consommateurs sont déjà là, avec ou sans salle de consommation. Nous avons besoin d’une solution qui fonctionne et améliore la situation pour les riverains et les consommateurs.
Adapter la législation
Peut-on créer une zone de tolérance subventionnée si les drogues sont illégales ? J’estime que oui (voir ci-dessus).
En juillet de l’année dernière, le Parlement bruxellois a approuvé une ordonnance définissant les règles relatives aux salles de consommation bepaalt. Maar ook de federale wetgeving moet duidelijk zijn. Dat is nu nog niet het geval.
En savoir plus ?
Écoutez ce un podcast de De Standaard (NL)
Regardez Autrement, diffusé sur BX1 le 11 janvier 2022 à l’occasion de l’ouverture d’une salle de consommation à Bruxelles
Lisez aussi l’étude de faisabilité de 2018 sur les salles de consommation réalisée par l’UGent et l’UCL.
Photo : visite de Gate le 21/02/22